"J't'emmènalagare"
C'est le moyen mnémotechnique français pour retenir le nom de la randonnée du jour.
La prononciation Islandaise ne se laissant pas dompter facilement, il faut soit prendre une masterclass, soit trouver des dérivatifs... On a choisi les dérivatifs...
Snaefellsness est devenue "shneck et fesses" et j'ose même pas imaginer le résultat pour le Vatnajökull...
Pour ceux qui ont oublié la prononciation donc, Landmannalaugar se prononce Land-manna-leyiar et après une nuit de 4 heures et un vieux relent de rhume qui cherche à s'installer, je ne connais qu'un seul remède: une rando pour faire sortir les toxines (un rhume sur Arras dans mon canapé = 7 jours d'agonie, un rhume en voyage au bout du monde = un mars et ça repart...)
Mais j'ai un peu la gerbe quand même... Heureusement que je ne conduis pas aujourd'hui.
On prend un des 3 bus de Reykjavik Excursions qui passent à Hella pour emmener les touristes dans les hautes terres.
Le temps est brumeux mais j'ai donné pour consigne à Marcel d'envoyer le soleil au début de la balade...
Avant d'y être, il faut subir la piste en plein milieu d'un paysage désertique et désolé, parsemé de champs de lave autour du volcan Hekla.
Le chauffeur lui-même ne donne aucune indication et doit probablement se concentrer sur la piste, mais le hasard fait que l'on se retrouve assises devant un groupe de français et leur guide qui n'est pas avare d'explications sur les sites que nous traversons.
Au passage devant le volcan Hekla, le plus éruptif d'Islande depuis 40 ans, il explique que gravir le sommet n'est pas recommandé.
L'Hekla ne prévient de ses éruptions qu'une heure à l'avance et "c'est un peu moins que le temps qu'il faut pour descendre la montagne, à moins de se jeter dans le névé"
Par ailleurs, les éruptions ont tendance à se succéder à peu prés tous les 10 ans (70, 80, 91 et 2000). Entre 1913 et 1947, le volcan est tombé en sommeil mais l'éruption de 1947 a été une des plus longues et violentes de l'histoire de l'Islande, envoyant débris et "bombes" volcaniques jusque sur le glacier de l'Eyjafjallajökull et oscillant entre phase effusive et explosive.
Autant dire qu'en 2010, les Islandais étaient un peu dans leurs petits souliers en attendant une éruption... qui ne s'est finalement jamais produite.
Le guide explique que les éruptions de L'Hekla forment habituellement un rideau de feu qui recouvre ses pentes et que plus les phases de sommeil sont longues, plus ça risque de péter fort.
Nous voilà en 2021... Année de tous les possibles en termes de catastrophes... Peut-on parier sur un réveil du volcan ?
Le guide répond aussi aux questions de son groupe sur les conditions de vie en Islande, notamment en ce qui concerne la période hivernale.
Si l'été permet de vivre 3 journées en une, l'hiver est non seulement sombre mais sédentaire. Pour les amoureux des grands espaces, se retrouver confinés dans de petits appartements ou des maisons basses pendant 6 mois peut être difficile à vivre: "on est des panneaux solaires sur pattes... Ici tout le monde prend de la vitamine D et de l'huile de foie de morue." Gémissements compatissants du groupe de randonneurs.
Malgré mes 4 heures de sommeil, le paysage me maintient résolument réveillée,
Les montagnes de sable noir couvertes de mousses accueillent sur leurs flancs quelques grappes de moutons. Pas un berger à la ronde, très peu de végétation. On arrive sur la vallée des hors la loi.
"T'imagines, t'es exilé ici... Qu'est-ce que tu manges? De la viande de mouton, du lait... Ça se mange la mousse tu crois ?"
Vivement un guide "Copain des bois" version Islandaise... On manque cruellement de techniques de survie.
On arrive sur le site de Landmannalaugar sous un soleil Hekla-tant (ha-ha) avec presque 45 minutes d'avance, ce qui nous donne un peu plus de 5 heures sur place.
Par-fait.
Suite au fiasco randonnée d'il y a 5 ans, j'ai bossé les itinéraires et la topographie en avance. J'ai une carte 3D dans la tête, les timings de chaque sentier sur le portable.
(Et la carte qui va avec)
C'est parti.
À peine débarquées, on prend la route vers le chemin bleu de Ljótipollur (la mare laide), abandonné en cours de route lors de ma première visite sur place.
(le Keldur local)
Après la grosse grimpée du début de parcours, on embrasse en un coup d'oeil le site entier.
Les montagnes de rhyolite au sud, la coulée de lave recouverte de mousse et le lac d'un bleu grandiose au Nord.
Le soleil fait ressortir les contrastes de couleurs du site, contrairement au temps plutôt gris de 2016.
Thank God pour le mode panorama des téléphones.
(ceci est le même paysage pris à 100 mètres d'intervalles...)
Finalement j'ai principalement sorti le reflex pour les paysages qui mériteront un agrandissement sur album et le téléphone me permet des moments instantanés de vie et des panoramas sans surcharger la carte mémoire... Je pense que le temps de mise en place du blog sera aussi moins long (moins de photos à éditer, moins de temps de chargement. Non pas que ça me dérange de revivre à chaque fois mes voyages une seconde fois pendant une semaine mais 4h de mise en ligne pour chaque billet ça peut faire un peu longuet...)
... EDIT ...
(après avoir téléchargé les 3 albums photos google et le contenu de la carte SD sur une clé USB puis jonglé entre les 12 dossiers différents pour la mise en ligne des images, sans compter le temps d'édition des photos du reflex, je rigole doucement devant ma propre naïveté)
... / EDIT ...
Or donc,
Les temps indicatifs de randonnées ne prennent probablement pas en compte les pauses photos bouche ouverte et l'heure tourne.
Les options à la carte de la journée étaient Ljótipollur, qui doit nous emmener jusqu'à un lac caché dans un cratère, et une autre randonnée au travers du champ de lave jusqu'à la "Sulphur Wave" (ou un trempage dans le ruisseau pour celles qui veulent tenter l'expérience d'avoir une fesse congelée et une autre qui cuit).
Si on veut pouvoir tout faire, il va falloir écourter la première rando.
Arrivées au cratère au bord de la route, on décide de reprendre le chemin du parking et de tenter le chemin du champ de lave.
Il nous reste à peu près 2h pour la deuxième balade, ce qui s'avère amplement suffisant.
Le sentier commence par une petite côte entre deux murs de lave (coucou le Mordor) et serpente ensuite sur du plat jusqu'à une petite vallée encaissée couverte de queues de chats et bordée des collines ocres et brunes de Landmannalaugar.
À gauche, se dresse la colline rouge accompagnée de ses panaches de vapeur.
Le rhume et les 4 heures de sommeil (et peut être aussi un petit creux qui s'installe) me font abandonner sur la dernière partie jusqu'au pied de la colline et préférer une pause panoramique pendant que les filles, marcheuses bien plus rapides, vont faire un saut au champ de fumerolles.
Cette rando est un peu plus fréquentée que les autres, y compris par des enfants, ce qui en fait la balade idéale pour finir la journée.
Cette fois, pas de trempage de fesses dans le ruisseau, on utilise la dernière heure pour manger le pique nique arraché de haute lutte à la station service d'Hella ce matin (Marion a finalement laissé la vie sauve aux campeurs): pizza Roll, wraps et sandwiches aux peperonnis, le tout accompagné de compotes importées de France.
Puis retour vers les cars qui nous attendent sur le parking. Au moment de monter dans le nôtre, le chauffeur nous arrête:
"Have you checked in?"
Ah bah non... On pensait que montrer les billets le matin suffisait.
On sent que manifestement c'était pas la bonne réponse quand il répond d'un air patibulaire:
"Ça pourrait poser problème..."
Ouh là, bon, ok, du coup Marion file montrer les billets à son collègue pendant que, vous me connaissez, je tente de dérider le monsieur en faisant la conversation.
"Et donc vous faites la route tous les jours ?"
[Impassible] "Malheureusement, oui."
"Malheureusement?"
[Impassible] "Oui, imaginez, je viens tous les jours ici et j'ai cinq heures pour marcher dans un panorama splendide. C'est l'enfer."
Au bout de cinq minutes, je comprends qu'il fait de l'humour... À l'islandaise probablement.
Marion mentionne la météo incroyable de la journée, et alors que je me rengorge, il répond avec un (petit) sourire en coin que c'est grâce à lui.
Moi je rigole doucement, je sais bien que c'est Marcel qui est aux commandes.
Mais il soutient qu'il est allé en Pologne la semaine passée, a réparé la météo pendant qu'il se mettait a pleuvoir à Reykjavik, et que le soleil est revenu à son retour (moi je dis que c'est à partir de notre arrivée mais bon...).
Mettons-nous d'accord sur le fait que nous ayons associé nos ressources. Peut être que Marcel a un collègue Islandais qui lui a filé un coup de main.
Après avoir montré patte blanche, nous remontons finalement dans le bus pour le trajet cahoteux sur la piste désertique.
Le sommeil me rattrape enfin. Mon rhume, non.
(état de la voiture après 4 jours en Islande et tentative de Marion de kidnapper un cheval pour sa fille - il passait pas dans le coffre)