Perle des Highlands et Joyau caché

Voilà. La voiture a été rendue... Il est temps pour moi de me laisser conduire un peu. Pour les derniers jours sur Reykjavík, outre ma lessive, les virées shopping et bars et le stress sur "mais comment je vais faire pour faire rentrer tout ça dans un seul sac??", j'ai décidé de réserver deux forfaits journée chez Sterna Travel pour aller promener mes mollets du côté de Landmannalaugar (lann-mana-ley-ar), la perle des hautes terres et ­Þorsmörk (thor-smeurk), le joyau caché derrière l'Eyjafjallajökull (que vous savez maintenant prononcer....).
Deux randonnées pour deux journées finalement très différentes.

Premier jour: Landmannalaugar
J'ai réservé mon ticket la veille par le site de la compagnie de bus. Ils viennent d'abord chercher les voyageurs devant l'auberge de jeunesse à 7h10 et font ensuite un transfert au Harpa pour regrouper les bons touristes dans les bus adéquats, et nous partons à 7h30.

Le guide est extra et nous offre un vrai one man show sur la route. Il nous apprend en même temps des particularités sur les environs de Reykjavík, notamment que le champ de lave qui couvre les hauteurs avant Hveragerði (kvera-ger-dhi) a suivi la décision à l'AlÞing de christianiser l'Islande mais de laisser aux habitants la possibilité de continuer à vénérer les anciens dieux en secret... Le lendemain, le volcan se réveillait et envoyait une bonne coulée de lave sur tout le monde, ce qui fit dire à d'aucuns que les dieux étaient pas tout à fait jouasse de la décision du parlement... Mais les islandais avaient donné les pleins pouvoirs à l'homme le plus sage de l'île qui avait passé trois jours et trois nuits sur la question... Après tout, rien de telle qu'une dictature éclairée pour éviter une guerre civile...

 

Nous apprenons aussi que Hveragerði est la capitale maraîchère mondiale de la banane (toujours "per capita") grâce à l'utilisation des sources chaudes de la vallée des fumées. Ils se sont aussi vu refuser la construction d'un stade de sport, le site étant situé sur une forte zone sismique. Ils ont finalement contourné le problème en construisant un stade... Gonflable (la petite tache blanche sur la photo du dessus). Donc inoffensif en cas de tremblement de terre pour le public.
J'ai tout de même quelques doutes sur le fait que la bâtiment qui crache des volutes de fumée soit une " usine à nuages" mais passons.
Nous quittons finalement la route 1 après un arrêt pipi/petit dej' pour ce que le guide appelle "votre massage gratuit" ou autrement dit, le début du trajet du bus de montagne sur la F-road qui s'engouffre dans les terres... Plus que 53km. 

La route est d'abord bordée de... rien... Puis elle commence à passer des champs de lave, avant de s'engouffrer dans la "outlaw valley", une vallée encaissée dans laquelle se réfugiaient les hors-la-loi qui avaient échappé à l'exécution mais dont le crime était trop sérieux pour être réglé au parlement. Le guide nous explique alors que c'était la deuxième catégorie d'islandais à survivre au dépens des voyageurs, les premiers étant les trolls qui les... mangeaient. Forcément.

 

le relief commence à s'élever de plus en plus et le paysage devient tacheté, entre les plaques de neige qui s'accrochent aux gouttières des montagnes, les coulées de mousse qui poussent sur leurs dômes et les zébrures brunes des chemins de randonnée ou des glissements de terrain, on a l'impression d'avancer sur le dos d'un animal fantastique.

 

Après le passage d'un dernier gué, nous arrivons sur le parking autour de midi. Départ de retour prévu à 18h30, ce qui laisse environ 6h pour manger, randonner et profiter des ruisseaux chauds de Landmannalaugar.

Charles, mon collègue du camping, m'a conseillée le circuit bleu (carte vendue 300isk), mais il fait 13km et est estimé à environ 6h de marche... Tant pis, je ne le ferai pas jusqu'au bout... Je monte quand même jusqu'au sommet qui surplombe la vallée de montagnes de rhyolite et le lac en contrebas, histoire de me faire un pique nique "with a view" (encore)

puis je redescends profiter de la source thermale (en fait la jonction de deux ruisseaux, l'un froid et l'autre chaud qui se rencontrent dans un bassin de galets). 

 

Les douches et les toilettes sont payantes (500isk chacune) ce que je trouve personnellement un peu mesquin après 5h de route... Finalement, faire pipi dans un champ de lave ça a son charme aussi, et ça fait pousser la mousse...

 

Le bassin est assez bondé et les deux ruisseaux créent des courants froids et chauds qui alternent, ce qui fait qu'on peut avoir les pieds qui crament pendant qu'on se gèle les miches par ailleurs...

 

La pluie qui commence à tomber sur les vêtements déposés sur le ponton en bois me décide à sortir et à aller payer en pleurant la douche ruineuse mais malheureusement nécessaire.
Le froid commence à tomber et je finis la dernière heure entre l'intérieur du bus et le bar à chocolat chaud... Puis retour vers la civilisation... Les cahots de la route mettent ma vessie à rude épreuve et je dois implorer le chauffeur de s'arrêter dans un champ de lave (encore).

- But you want to go outside??

- Do I have a choice?

Nous arriverons finalement à Reykjavík sous un coucher de soleil flamboyant.

 

Enseignements de la randonnée 1:
- 6h, c'est un peu court (jeune homme), à moins de tracer directement sur les chemins repérés à l'avance et de ne pas vouloir aller dans le ruisseau.
- winter is coming
- on perd toute dignité quand notre vessie le décide
- le pisse debout, c'est mieux de l'avoir dans le sac que dans la valise...

Deuxième jour, Þorsmörk
Levée aux aurores, encore une fois, mais cette fois je n'ai pas réservé mon ticket à l'avance puisque les islandais peuvent encaisser ta carte bancaire dans les endroits apparemment les plus reculés, ce qui inclut un bus de montagne entre l'Eyjafjallajökull et une rivière.
Bref, inutile de faire 36 démarches, il suffit de se pointer, de dire "je veux aller là" et, oui madame, bien madame, on vous embarque. 

 

Vu le périple de la veille, j'ai attendu le dernier moment pour me décider à aller à Þorsmörk. Finalement, mes muscles n'étant pas trop engourdis, le soleil étant de la partie et ma motivation au taquet, me revoilà sur mes jambes après une nuit de 6h pour aller découvrir la vallée des dieux...
7h10, bus, et c'est reparti! J'ai hâte d'aller visiter le pied de l'Eyjafjallajökull que j'avais trouvé si joli depuis Fljótsdalur.
En route, je débauche deux larrons de randonnée, Antoine et Florian, que j'instruis sur les bananes, les usines à nuages et les dictatures éclairées... Le guide que nous avons aujourd'hui étant plus silencieux que celui de la veille

Nous faisons un passage expresse à Seljalandsfoss, la cascade que l'on peut voir de derrière, puis nous continuons la route dans la vallée entre Fljótsdalur et l'Eyjafjallajökull. Ayant vanté à grand renfort d'hyperboles et de grands gestes de la main le confort de la "Boulder road" que nous avons empruntée il y a quelques jours, j'ai le bonheur de voir que nous passons par sa jumelle, les gués en plus.

Le paysage est toujours aussi joli et alterne les pentes de graviers/galets avec des buissons vert tendre et des touffes de bruyère violettes. Il est marbré par les méandres des différentes rivières que l'on doit traverser avec le bus et qui donnent une touche argentée à l'ensemble.

Arrêt express au pied de l'Eyjafjallajökull. Le guide nous explique qu'en 1940, la plaine de cendres à nos pieds était couverte par le glacier. En 1960, c'était un lac, puis lors de l'éruption de 2010, le lac a été bouché par la coulée de boue et un tsunami s'est créé qui a raviné le flanc du volcan en deux énormes gorges que les touristes peuvent maintenant explorer.

Nous repartons vers la "forêt de Thor" et le guide nous propose des cartes à 1000isk... Euh bah, non merci, on va se débrouiller.
Arrivés au camping qui marque le point de départ, nous allons nous renseigner sur les directions à prendre pour faire le circuit "highlights" qui doit nous emmener sur 4h de randonnée d'un point de vue à l'autre.
Il faut suivre les circuits bleu, orange et blanc...
On devrait pouvoir y arriver...

La randonnée commence tout gentiment dans une forêt de bouleaux qui n'est pas sans rappeler certains paysages du sud de chez nous... On s'attend presque à voir un olivier et à entendre des cigales... Je peux comprendre que ce soit un endroit qui plaise aux islandais vu le paysage souvent désolé et torturé qu'ils ont l'habitude de voir...

 

En ce qui nous concerne, même si l'endroit est indéniablement joli, il n'est pas tout à fait surprenant... Jusqu'à ce qu'on arrive au premier point de vue qui nous offre un panorama à 360° sur les sommets qui nous entourent. L'émerveillement commence doucement à se manifester.
Pique nique "with a view" au pied du tumulus qui surplombe la zone, puis nous repartons sur un sentier forestier entre champignons énormes et petites fleurs de sous-bois jaunes et mauves.

Ça grimpe un peu puis nous débouchons en hauteur sur une vue plongeante de la vallée lunaire en contrebas. Le sommet ressemble un peu à un maquis et le sol est couvert d'une poussière épaisse qui se tasse sous les pieds comme un gros matelas en mousse.

 

  

On attaque le premier raidillon du parcours sur lequel poussent des tapis de myrtilles pour nous donner un peu de courage.

On arrive le coeur qui cogne en haut pour se retrouver à surplomber une autre vallée, beaucoup plus verte et découpée et l'on retrouve un couple de polonais qui cherchent une vallée encaissée avec une pléthore de cascades qui apparaît apparemment dans un clip de Justin Bieber... Malgré notre âme de Beliebers acharnés, nous ne pouvons malheureusement pas les renseigner... Et c'est bien dommage parce que ça avait l'air joli.

Nous redescendons touuuut en bas au camping intermédiaire avant de se rendre compte qu'il faut remonter touuuuut en haut juste après. Les gros nuages noirs qui nous promettaient une bonne saucée nous rattrapent à ce moment-là et c'est sous la pluie que nous commençons la dernière ascension qui met mes jambes à rude épreuve malgré l'entraînement. Le chemin blanc nous amène au point culminant de la vallée et nous offre une vue dégagée sur des kilomètres à la ronde, et c'est trempés mais béats que nous prenons la mesure du défi accompli. La descente se fera non sans difficulté sur une pente raide rendue glissante par la boue mais nous arriverons finalement sains et saufs au camping à 16h30 pour tenter de nous réchauffer à la Volcano Hut à grand renfort de thé, ou de bière selon les envies.

 

Les enseignements du deuxième jour:

- 'Wow" est un mot redondant pour signifier l'émerveillement... De même, "wow/rhah, putain" est encore un peu en dessous de la réalité...
- la maturité évolue inversement proportionnellement avec la beauté des paysages traversés et on se retrouve rapidement à faire des "mooh, ché kro gnoliiiii", mais on s'en fout, y'a personne autour
- Justin Bieber peut vous faire découvrir l'Islande (in a twisted kind of way)
- chanter du Disney avec des gens rencontrés 3h plus tôt, c'est bon signe...
- Happiness is only real when shared.

(bonus Chamallestes)

Le mot de la fin:

Voilà, les deux derniers jours se sont passés sur Reykjavík entre balades en ville et dans le jardin botanique derrière l'auberge... je n'ai PAS fait le musée du pénis... même si je sais que vous n'attendiez que ça. Je repars avec des envies de road tripes (c'est quand la pulsion de voyage vous y prend), et un millier de photos à trier... Et quand on me demandera si le retour à la réalité n'est pas trop difficile, je répondrai que la réalité, c'est là bas...

Comments

[Théinjökullagson]

Waoooh, c'est trop bien !!

(tentative de novlangue...)

YYeahh! On the road !

(résurgence de beat generation)

Mais où sont les Ice-landais d'antan?? ( et d'aujourd'hui...)

TAKK !!

[Yannick]

Merci pour ce beau voyage !

Reviens-nous pleine d'usage et raison vivre parmi les tiens le reste de ton eage