Onsen Hopping à Kurokawa

Réveil en douceur puis nous retrouvons Yoshi pour le Drip Coffee matinal avant de prendre la route. 

On avait prévu à l'origine d'aller faire du VTT électrique sur la Caldera mais le planning un peu serré et un intérêt croissant pour Kurokawa Onsen nous ont finalement décidé à prendre le bus de 10h30 pour avoir plus de temps pour profiter de la station thermale.

Qu'à cela ne tienne, le vélo rose dans l'entrée me fait de l'œil depuis hier et je m'accorde une petite balade matinale avant de récupérer les sacs pour le chemin vers la gare.

Kurokawa est encaissé dans une petite vallée au milieu des érables et Yoshi, lors de notre soirée feu de camp d'hier, nous a assuré que nous y arriverions à la meilleure période pour les voir dans leurs couleurs d'automne.

C'est une ville thermale qui est composée d'une trentaine de Ryokan possédant chacun leur Rotenburo, ou bain extérieur (#PassionDoucheDehors).

Les auberges ont en quelque sorte signé un pacte de non-agression et se considèrent comme faisant partie de la même famille. On pourrait considérer les rues de la ville comme des couloirs immenses entre différentes pièces. Chaque Ryokan propose un service bien distinct : nourriture, eaux sulfatées, bains intérieurs ou extérieurs, mixtes ou non. 

La tradition quand on visite la ville est d'aller demander un pass qui se présente comme un médaillon de cèdre attaché à un cordon. Une fois muni du médaillon, vous avez accès à trois bains de votre choix à choisir parmi les 30 de la ville. C'est ce qu'on appelle "Onsen Hopping" (passer d’un bain à l’autre).

Le bus nous dépose à l'arrêt en fin de matinée, mais il nous faut encore marcher deux bons kilomètres avec les sacs sur le dos pour atteindre Mori No cottage (si vous n'avez pas les moyens pour un Ryokan, l'endroit se trouve à 30 minutes à pied). Après une dernière côte, nous posons les sacs au milieu du village vacances. Je suis immédiatement conquise par les petits chalets tout en vitraux et balustrades en bois. 

La baignoire en pierre de la salle de bain, quant à elle, achève de me réconcilier avec les 2km qu'on vient de parcourir et je m'imagine déjà infuser béatement ce soir.

On pose les affaires dans le cottage et le mari de la responsable, un vieux monsieur avec une camionnette cubique, nous propose de nous redéposer en bas de la côte pour éviter d'avoir à refaire le chemin en sens inverse. Nous (je?) acceptons bien sûr avec soulagement.

C'est reparti pour un petit tour en voiture. Les cahots de la route laissent ponctuellement s'ouvrir la boîte à gants sur mes genoux et je la tiens d'une main pendant que je discute avec notre chauffeur. Au détour de la conversation, il me dit de demander une information à l'Office de tourisme.

Je comprends un mot sur deux et opine poliment du chef. J'ai compris avec l'expérience que demander des explications aux japonais que je croise déclenche souvent une tentative enthousiaste mais désordonnée de reformuler leurs idées... Ce qui les rend souvent plus obscures. Je choisis mes batailles.

Pas de chance, une fois déposés au parking, le voilà qui m'accompagne au comptoir du Visitor Center et me demande de vérifier avec eux l'information en question.

J'essaye tant bien que mal d'expliquer la situation mais je m'embrouille un peu. La réceptionniste qui m'avait dit parler un peu anglais va immédiatement chercher une collègue qui le parle encore moins.

Pas le choix, je me relance dans le japonais et je finis par comprendre que notre chauffeur nous propose de l'appeler quand nous aurons fini pour éventuellement revenir nous chercher selon ses disponibilités.

Après les 10 minutes habituelles de politesses et de courbettes, nous partons enfin explorer la ville qui se compose d'une rue principale en bord de rivière où se trouvent la majorité des Ryokan, et d'une rue plus commerçante en hauteur où je fais le plein de cadeaux dans les boutiques de la ville.

L'odeur d'anguille grillée flotte dans l'air et la rivière est enjambée à intervalles réguliers par des petits ponts couverts en bois qui vont se perdre dans les bambouseraies de l'autre rive. 

Les Ryokan présentent tous une architecture similaire en bois sombre. Probablement pour ne pas dénoter avec leurs voisins et compétiteurs. Les rues en pierre montent doucement entre érables, camélias et plaqueminiers (à vos dicos) et un Gingko magistral orne la cour d'un petit temple où les touristes vont accrocher leur médaillon de cèdre une fois les bains visités.

Nous avons récupéré 3 pass que nous prévoyons d'utiliser dans l'après-midi, mais d'abord, la faim se faisant sentir, nous nous mettons à la recherche d'un endroit pour manger.

La plupart des restaurants proposent plutôt des snacks ou des goûters, assez populaires pour caler un petit creux après un bain chaud, mais peu consistant pour des voyageurs qui sortent de deux heures de bus et une heure de marche. Notre choix finit par se porter sur une petite cantine qui est une des seules à servir des menus complets et assez variés. 4 places sur une estrade de nattes, 4 places au comptoir derrière lequel s'affaire une petite mamie. Je prend un bol de Takanameshi (riz accompagné de feuilles de moutarde vinaigrées) et une soupe pour me caler un peu, puis, une fois le repas terminé, nous décidons de nous pencher sur la brochure "sommelier du Onsen" qui nous a été distribuée au Visitor Center. 

Selon les types d'eau qui sortent des différentes sources, on peut choisir l'ordre des bains visités pour profiter de leurs vertus médicinales : adoucissement de la peau, amélioration de la circulation, soin des articulations... Il n’y a pas l’option réduction des cernes et disparition des ampoules mais on est sur un choix de visite pertinent pour une fin de voyage (en ce qui me concerne... Papa et Catherine devront encore tenir 3 semaines.)

Nous faisons notre choix sur les photos qui nous attirent le plus et regroupons les gagnants par proximité géographique.

Le premier onsen visité sera donc à quelques pas du restaurant.

Le bain pour les hommes est en contrebas. Il se présente apparemment comme un petit auvent entouré de palissades et surplombé par la bambouseraie. Un peu décevant selon mon père qui aurait apprécié une vue plus dégagée.

Celui des femmes est un bassin de pierre plus en hauteur, à l'intérieur de la bambouseraie en question. On arrive au moment des rayons rasants de la fin d'après-midi et la lumière filtrée par les arbres tombe sur le bassin en même temps que quelques feuilles mortes.

Il n'y a que deux douches, ce qui implique une certaine organisation pour décider quand sortir de la salle qui contient les casiers et les paniers de vêtements (chauffée) pour arriver sur les bords du bassin en extérieur et éviter de devoir attendre dans le froid qu'un des tabourets ne se libère. Puis on rentre dans l'eau (très chaude) et on se détend quelques minutes avant de repartir vers le Ryokan suivant.

Les auberges fournissent des Yukata qui peuvent être portés entre deux bâtiments. Malgré le côté pratique (quand on n'a pas envie de remettre les vêtements collés par la sueur d'un touriste en itinérance) je n'ai pas encore la technique et me résigne donc à ré enfiler mon t-shirt un peu cartonné.

Pas de locations de serviette non plus. Chaque auberge vend des petites serviettes de "courtoisie" au prix de 200 yen et elles fournissent un petit sac plastique pour les transporter une fois mouillées d'un bain à l'autre.

Le bain auquel nous comptions aller ensuite est malheureusement en maintenance et nous continuons donc la balade en direction de Kouno-yu, une auberge située sur les hauteurs de la ville. Nous rattrapons en même temps les rayons du soleil couchant et profitons des dernières lumières pour notre deuxième bain. 

Le bassin des femmes est divisé en deux. Le premier, en contrebas, est un grand bassin en pierre dans lequel se trouvent quelques rochers, une grotte et un petit auvent. Il est entouré par les arbres et il me suffit de mettre un orteil dedans pour comprendre que le reste ne suivra jamais. La température doit frôler les 50 degrés et je me résigne à tremper les jambes jusqu'aux genoux pendant que je me transforme lentement en malabar vanille fraise.

Le deuxième bassin est une piscine profonde en pierre, appelée « Tachiyu » (le bain où on peut se tenir debout). Elle aussi recouverte d'un petit toit, sous lequel pend un gros rondin de bambou retenu par des cordes.

L'eau m'arrive à peu près aux aisselles et le rondin est stratégiquement placé pour y poser les bras et la tête et se laisser porter et cuire lentement dans une eau certes moins chaude mais qui l'est suffisamment pour que 10 minutes me suffisent amplement.

Je finis donc par une douche dont je peux au moins maîtriser la température avant de retourner me sécher dans la salle des casiers.

Le soir commence à tomber et après avoir attrapé un café au lait froid dans le distributeur de la sortie, nous prenons la route du retour et faisons le plein de victuailles sous plastique dans une boutique de souvenirs / Konbini avant de commencer notre périple du retour le long de la route et dans la nuit jusqu'au chalet.

Une fois revenus au sommet de la côte, et alors que mon T-shirt gratte de plus en plus, je me dis que la relaxation du dernier bain est bien loin. Nous tombons sur la responsable du village qui vient me demander comment s'est passée la journée et nous propose de nous redéposer le lendemain près de l'arrêt de bus. 

Puis, d'un air entendu, elle me propose d'utiliser leur propre rotenburo que je n'avais pas remarqué et qui se cache derrière une palissade à côté du chalet.

"sābisu shimasu"… 

Ce qui veut dire qu'elle nous propose de profiter d'un service gratuitement.

A l’idée de me débarrasser une fois pour toute de mes vêtements raides de sueur et de passer directement de la case « bain » à la case « pyjama », je pleurerais presque de gratitude.

Le calme de la nuit, le bassin de pierre sous le camélia, le luxe d’un Onsen que je ne partage avec personne. Petite bulle au milieu des montagnes.

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Ryokan - Auberge Japonaise de style traditionnel