Ōsaka

Après l’aventure de la veille, première journée en mode touristes sur le sol Japonais. Ōsaka est la ville où je suis allée le plus de fois, mais uniquement en transit ou dans un état de sommeil indécent. Il est temps de la visiter. 

La météo annonce 23 degrés. Et j'ai une (toute) petite pensée pour les copains restés sous la grisaille Arrageoise...

Les sacs à dos sont allégés, mon appareil fermement arrimé à mon épaule. On recharge les cartes Harmonica et on embarque sur la Loop line qui dessert le centre d'Ōsaka (sauf quand un train décide de repartir dans l'autre sens. #Tennoji #PetitDéfiDuSoir).

Chaque station est marquée par un petit air de boîte à musique qui a probablement des vertus apaisantes pour les bienheureux qui n’ont pas à déchiffrer Kanjis et plans des différentes lignes.

Pour les touristes un peu perdus, ces berceuses prennent rapidement une dimension narquoise relativement agaçante.

(Je me demande du coup si offrir une boite à musique au bébé de Yusuke était vraiment une bonne idée)

Je profite d’un distributeur automatique placé stratégiquement sur le quai et payable en Formica pour attraper au vol un thé au lait sucré. Ce geste deviendra un de mes rituels du matin, à tel point que papa et Catherine s’entraîneront à repérer les distributeurs avant moi pour me les indiquer.

  

 Premier arrêt: Ōsaka-ji Kōen, le parc qui entoure le château d'Ōsaka. 

L'allée qui y mène est bordée de Sakura à gauche et de Gingko à droite. On imagine les lieux au printemps et à la fin de l'automne. Pour le moment, les feuilles sont encore bien vertes, mais je préfère prolonger le soleil et la chaleur même si je dois renoncer aux érables en feu.

Le soleil est éclatant, les chants d'oiseaux nouveaux s'élèvent d'arbres dont nous ne connaissons pas les noms. Les familles avec enfants ont planté leur tente au bord des douves et ont étendu des couvertures sur le sol pour le pique-nique familial. L’ambiance de fin de matinée est agréable et on sent ici et là des effluves de hot-dog et de poulpe grillé qui s’élèvent de petits chariots itinérants.

L'esplanade du château est un peu chargée niveau touristes... Mais l'efficacité japonaise fait encore une fois ses preuves et la file d'attente a l'air d'avancer rapidement. Le temps de poser les sacs quelques secondes avant d'aller acheter les tickets et nous sommes abordés par un homme qui se promène, un carnet à la main, et dont nous comprenons rapidement qu'il est là pour rencontrer le plus de nationalités possibles. 

Il parle un français assez clair, je réponds avec enthousiasme en Japonais, et il ouvre son carnet pour feuilleter parmi les cartes de différents pays dessinées à la main pour qu'on lui indique la Bretagne et Arras. 

On enchaine avec 3 mots d'italien et d'espagnol puis on fait une photo souvenir de ce moment de rencontre fortuite entre polyglottes avant de le laisser, carnet en main, repartir compléter sa collection de touristes.

Après avoir monté les 8 étages à pied (et gagné à peu près 20 minutes sur la deuxième file d'attente qui voulait privilégier l'ascenseur) nous avons l'occasion de visiter le monument "à la japonaise". C'est à dire en file indienne et dans le sens des aiguilles d'une montre.

 

Le dernier étage du château est une terrasse panoramique qui donne une vue imprenable sur la ville... C'est aussi, selon mon père, l'endroit au monde où on prend probablement le plus de photos de grillage. Je relève le défi.

Le château se dresse au milieu du parc autour duquel sont plantés des gratte-ciel. Confirmation s’il en était besoin du cliché sur l’identité Japonaise, "entre tradition et modernité".

Pour ce qui est de l'intérieur des étages du château, on y suit la vie de son constructeur : Hideyoshi. Un homme si laid qu’on l’appelait « tête de singe » mais qui, parti de rien, devint l’un des grands unificateurs et pacificateurs du Japon. Après sa mort, son clan, le clan Toyotomi, représentant une menace pour le shogunat nouvellement établi, Ōsaka fut le lieu d’une série de batailles dont la plus célèbre, la campagne d’été, est documentée avec détails dans plusieurs étages du château.

À grand renfort d'écrans et de panneaux explicatifs, chaque détail est scruté et expliqué pour finalement donner une idée du déroulement et des impacts de la bataille. Aucun détail n'est épargné: les corps mutilés, les femmes abusées, scènes d'exil et de banditisme.

 

Ou sinon, on peut aussi jouer à "Où est Charlie". C'est plus léger.

Il aurait été utopique de réussir à visiter les 8 étages du château sans se perdre de vue… et nous devons donc réaliser l’exploit de nous retrouver sans Wi-Fi avant de partir à la recherche d’un restaurant pour l’en-cas du midi.

Forte de mes deux succès en conversation, je n'hésite plus à mettre le grappin sur tout japonais qui passe pour avoir les informations nécessaires. Google Maps, c'est sympa, mais ça ne remplace pas les recommandations locales. 

Ma victime consentante du jour tient même à nous emmener jusqu'à la rue qui mène aux petits bouis-bouis dispersés aux abords de la gare JR. Il suffit généralement de dire que vous êtes français pour allumer une lueur particulière dans les yeux des Japonais, qui voient finalement revenir les touristes européens après une longue interruption due au COVID.

On finit par s'asseoir dans un box à l'intérieur d'une cantine coréenne où nous sommes confrontés à deux problèmes:

1- le menu est commandable uniquement sur tablette et en japonais (et autant, le parler, ça passe, mais le lire...)

2- on nous amène trois petits bols emplis de liquide non identifié et accompagnés d'une serviette... Et nous passons donc les 15 minutes suivantes à nous demander si on doit les boire où s'en servir de rince-doigts (finalement c'était une infusion genre rooibos)

Heureusement que je lis les Katakana et que j'arrive vaguement à déchiffrer que la majorité des plats sont à base de tripes (J'échappe ainsi à un deuxième traumatisme à la « steak and kidney pie »).

Je les évite soigneusement et commande un bibimbap que je fais descendre à grand renfort de thé et de riz blanc pour atténuer le piment, puis nous prenons la direction de Tennōji, ce qui nous rapproche de l'hôtel tout en nous donnant l'occasion de visiter les alentours du temple où se tient un petit marché aux puces tous les 21/22 du mois.

Tous les temples ferment à 17h (on aurait dû se rappeler Kyoto) et nous n’avons accès qu’à l’enceinte du bâtiment.

Les vendeurs sont eux aussi en train de remballer les étals, mais finalement, l'ambiance est peut-être moins claustrophobe que dans une foule. Ça nous permet également de profiter du soir qui tombe et des lumières orangées du ciel qui se reflètent sur la pagode. 

Une fois la nuit tombée, nous prenons la direction du quartier le plus kitsch et rétro de la ville: Shinsekai (littéralement "nouveau monde"), qui s'étend en contrebas de la tour Tsutenkaku. Entre gastronomie populaire et façades aux couleurs criardes, le quartier construit en 1912 déroule des salles d'arcades et de Pachinko et la foule se presse dans des petits bars ou restos de rue dès la nuit tombée. 

A l'origine d'une réputation sulfureuse, on peut effectivement y croiser une population moins lisse que dans le reste de la ville, comme ces quelques travestis que nous verrons pousser la chansonnette dans une Izakaya sentant fort le poisson frit.

Exit la "sage extravagance" du peuple nippon. Ici, on laisse les manières policées à la porte et on autorise le grotesque et la décadence.

  

Après un court bain de foule et une petite pause café glacé devant un petit stand de tir à l’arc (j’ai résisté aux suggestions de mon père de démontrer mon adresse comme au temps des tirs à la carabine des fêtes foraines de mon adolescence), nous finissons par regagner l’hôtel pour essayer de lisser le décalage horaire.

 

  

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Sakura - Cerisier Japonais

Bibimbap - plat coréen à base de riz, de viande et de légumes et servi dans un bol en pierre brûlant.