RockBeef

Comment savoir qu'on va vraiment s'enfoncer dans le Japon rural? Quand il n'y a pas de train pour rejoindre votre destination et que le bus qui vous y emmène prend 1h30 et prévoit 54 arrêts (ceci n’est, pour une fois, pas une hyperbole).

Comme d'habitude, nous nous attirons la curiosité d'un Jiji qui essaye de renseigner mon père sur tous les points d'intérêt que nous croisons, avec assez peu de succès, vu que le "body language" reste plutôt limité pour décrire l’histoire de la ville ou ses prix Nobel.

Après environ une demi-heure, le bus commence à longer la côte et nous avons nos premières vues de la mer scintillante sous le soleil (qui ne faiblit pas).

Puis on s'enfonce dans la montagne et nous descendons finalement à la ville thermale de Unzen Onsen, où je retrouve avec bonheur les odeurs d'œuf pourri qui accompagnent les sources chaudes.

Nous restons jusqu’à demain soir et nous avons plusieurs options à explorer sur place : une rando sur le mont Unzen, une soirée dans un onsen et la visite du champ de fumerolles.

On débarque les sacs vers midi au Visitor Center et on se renseigne sur les horaires du téléphérique qui part du col de Nita pour déposer les randonneurs au pied de la montagne.

Pas de chance, nous sommes dimanche et le téléphérique doit être réservé en avance sur les weekends. Les navettes pour le col ne sont par ailleurs plus en service et la seule façon d’y accéder est d’appeler un taxi.

Caser la randonnée sur ce qui nous reste de journée et après avoir passé la matinée dans le roulis du bus avec les sacs sur les genoux n’est pas l’idée la plus attrayante qui soit.

Heureusement, les horaires du bus pour Shimabara (notre destination du lendemain) courent jusque tard en soirée ce qui nous laisse toute la journée suivante à organiser comme bon nous semble. On décide donc de se garder la rando pour demain et de plutôt profiter de la journée dans la ville pour visiter les fumerolles, aller au Onsen et pourquoi pas enfin prendre le temps d'aller manger au restaurant.

Le champ de vapeur, contrairement aux paysages plutôt désertiques que j’ai vus en Islande, se niche ici à flanc de colline entre les érables et les azalées qui prennent des teintes cuivrées dans la météo plus fraîche des montagnes.

La balade nous emmène sur un ponton balisé vers les chaudrons de boue grise et rousse. Une famille que nous croisons nous explique que grâce à l'absence de typhon cette année, l'automne va être particulièrement beau, et même si on est encore un peu en avance, on peut voir ici ou là un érable, comme une tache rouge vif dans le paysage.

Nous suivons le ponton dont les planches se disjoignent à certains endroits sous l’effet des poussées du sol. Le champ de fumerolles, appelé « Jigoku » (soit « enfer » en japonais) était utilisé au XVIIème siècle pour cuire les chrétiens en papillotes avant de se transformer petit à petit en station thermale (activité probablement moins discutable et plus lucrative.)

De ce passé sulfureux, il reste un monument aux martyrs qui surplombe un des nombreux enfers du site.

Aujourd’hui, les touristes passent le plus clair de leur temps à profiter des bains de pieds ou à boire de la limonade Unzen accompagnée d’œufs cuits à la vapeur sur place.

Nous croisons quelques personnes déguisées ce qui nous rappelle qu’Halloween est proche dans d’autres coins du monde, puis nous rejoignons la Guest House où nous devons passer la nuit.

Les chambres sont dans le pur style japonais, le futon est plié dans un coin de la chambre et un yukata nous attend fraîchement repassé dans la penderie. 

Après une petite pause, nous nous renseignons sur le Onsen le plus proche (passion douches communes) pour aller enfin s’accorder un peu de repos après presque 10 jours d’itinérance.

A 100 yen l’entrée, on aurait tort de s’en priver.

Notre hôte nous prête même un sac avec savon, shampooing et serviette, qui sont moins cher à louer à l'auberge que sur place.

La grande question depuis le début du voyage est de savoir si je vais pouvoir profiter des Onsen avec mon tatouage tout neuf. J'ai été rassurée par le guide du Visitor Center qui m’a expliqué que, tant que je n'ai pas une tête de Yakuza et que mon tatouage n'est pas du style japonais qui prend tout le bras, il n'y aura pas de problème. Ma tête n'est d'ailleurs pas sur l'avis de recherche placardé à l'accueil et je peux donc aller me baigner tranquille.

Nous allons mettre nos affaires dans les casiers côté femmes alors que papa part du côté hommes, et nous calons nos tabourets et nos cuvettes face au mur des douches pour le savonnage intégral obligatoire avant de profiter du bain. 

L'eau est chaude sans l'être trop et le bain lui-même arbore une belle couleur ferrugineuse qui cache tout ce qui se trouve à 5cm sous la surface. Autant dire que pour voir le tatouage, il aurait fallu de très bons yeux.

Une fois lavés et reposés, nous décidons de repasser rapidement passer une petite laine supplémentaire à l’auberge pour contrer l'effet "nuit froide qui tombe sur cheveux mouillés" (et éviter la pneumonie sur la fin du voyage), puis nous repartons en direction de la cafétéria recommandée par notre hôte et dont le chemin repasse devant le Onsen.

Arrivés devant les bains, nous remarquons sans y prêter attention un groupe de clients en grande conversation devant la porte d’entrée (peut-être les avons-nous croisés dans le bassin, mais on évite de se dévisager dans ce genre d'endroits... ce qui rend difficile de se souvenir clairement des visages).

Alors que nous continuons sur le chemin, le responsable des bains nous hèle (je me demande brièvement si mon tatouage m'a finalement placée dans la catégorie Yakuza) et nous fait signe de venir.

Il tient à la main le porte-monnaie commun que nous avions rempli le matin même et qui contenait bien une centaine d'euros...

Ce brave monsieur nous demande si on était en train de le chercher. Nous répondons, bienheureux et innocents, que nous n'avions même pas remarqué sa disparition et qu'on était plutôt sur le chemin du restaurant.

Il s’en est apparemment fallu de peu que tout le village ne se mette à notre recherche.

Après une petite chorégraphie de courbettes nous voilà repartis en direction du restaurant, accompagnés du responsable et d’une vieille femme qui tenaient peut-être à s’assurer que ces trois touristes tête en l’air arrivent entiers à destination.

Le petit restaurant conseillé par l'auberge est ce qu'on appelle un Shokudō, c'est à dire un genre de cantine avec des menus qui rassemblent des nouilles, des bols de riz garnis et des plats sautés/grillés de type côtelette panées ou Gyozas.

Les restaurants sont un des derniers endroits où les japonais peuvent fumer et on retrouve souvent des tables pour non-fumeurs mais également des box ventilés où les clients peuvent manger et fumer en même temps.

Les derniers sièges disponibles se trouvent être dans un de ces box. Il faudra donc choisir entre manger des plats qui ont l’air bons mais avec supplément tabac, ou changer de restaurant.

Nous nous résignons à supporter les odeurs de nicotine. Nos voisins de box ont heureusement fumé peu et sont sortis rapidement.

Malgré le début du repas un peu gâché, je bave devant mon Tsukedon, bol de riz vinaigré recouvert d'un sashimi de sériole (oui, je revois mes poissons en même temps que je bosse mon japonais).

Catherine et papa, quant à eux, parient plutôt sur un grand bol d’Udon pour contrer la fraîcheur de la nuit dans les montagnes.

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Onsen - établissement de bain public dont le bassin est alimenté par une source thermale, contrairement aux Sento, dont les bains sont chauffés artificiellement

Yukata - Kimono léger utilisé comme robe de chambre après le bain et dans l'auberge.