Rokkubiifu 3: Hiroshima - entre mémoire et apaisement

La journée commence par le récit des origines du WFC par Dan, histoire de reprendre un peu d'émotion avant de partir à la rencontre de la ville.

Début de l'année 1945, Hiroshima n'a toujours pas été bombardée.
Il s'agit de la 10ème plus grande ville du japon, elle abrite un important dispositif militaire, elle est une base importante des décisions politiques de la guerre... 
Ses habitants savent que quelque chose se prépare.
Pourquoi est-elle toujours intacte alors que toutes les villes autour subissent les bombardement americains? La raison est simple: si les USA bombardent la ville, il sera impossible d'obtenir des statistiques fiables sur l'utilisation de la bombe atomique.

#nausée

Les habitants ont donc abattu des maisons le long de ce qui deviendra le boulevard de la paix. Des enfants sont notamment réquisitionnés pour abattre les murs de paille et de plâtre avant de tirer sur les bardeaux et de créer un espace vide de tout matériau inflammable qui fasse coupe feu en cas d'incendie. 
C'est sur ce tableau que tombe Little Boy.
La ville est dévastée, puis doit renaître.

Le centre est fondé en 1965 par Barbara Reynolds, dont le mari avait été envoyé en 1951 à Hiroshima pour étudier les effets des radiations sur les enfants japonais (avec interdiction de communiquer les résultats aux médecins qui soignaient la population).

#nausée2

Ils partent pour un tour du monde en bateau avec deux de leurs enfants et trois membres d'équipage japonais.
En chemin, ils rencontrent de la curiosité quant au sort d'Hiroshima, évidemment, mais aussi de la discrimination et du racisme envers les membres d'équipage.
Ils rencontrent également des pacifistes et activistes quakers qui se voient refuser leur départ du port de Hawaï dans une tentative de les empêcher d'aller protester contre les essais nucléaires menés par les Etats-Unis à Bikini.

Ils prennent leur place, sans se rendre compte que les USA font à l'époque environ 3 essais nucléaires par semaines avec des bombes d'une puissance jusqu'à dix fois supérieure à celle de Hiroshima. 

Au terme de leur protestation, ils sont arrêtés et le mari de Barbara est jugé et condamné. Elle rentre  sur Hiroshima et s'engage en faveur des victimes de la bombe atomique, les Hibakusha, qui subissent alors non seulement des séquelles physiques mais aussi une pression sociale car regardés avec méfiance dans les domaines de l'emploi et du mariage.
Le WFC est le résultat de ce combat et accueille des visiteurs du monde entier qui découvrent l'histoire de la ville de façon sobre et humaine.

Voilà un lien vers un documentaire qui reprend l'histoire de la ville et de ses habitants

Après un petit déjeuner haut en émotions, nous partons sous un soleil éclatant pour visiter Hiroshima d'un pas tranquille.
Notre premier arrêt est évidemment le dôme et le parc du mémorial de la paix. Le printemps adoucit un peu l'intensité de l'atmosphère et on entend, derrière les chants d'oiseaux, résonner la cloche qui trône au milieu du parc.
Elle a été fondue dans un moule représentant une planisphère dont les frontières sont absentes et on retrouve un atome à l'endroit où le heurtoir vient la percuter.

 

Le dôme en lui même à failli ne pas résister à la reconstruction de la ville. Trop de mauvais souvenirs... Trop laid...
Il a été sauvé in extremis au fur et a mesure que disparaissaient les autres vestiges du bombardement.
Il est maintenant entouré de verdure et l'ambiance calme de la ville semble finalement le protéger un peu...

La prochaine étape est le château et son parc que nous n'avons finalement pas eu le temps d'explorer hier... Encore un endroit qui semble un peu hors du temps dans la ville... Les cerisiers ne sont plus tout à fait en fleurs à cause d'une averse passée pendant la nuit, mais ils restent suffisamment vaillants pour offrir un bel écrin au château.

Le soleil chauffe doucement. On oublie facilement qu'on est en ville et on ferait bien, nous aussi, un pique nique sous les arbres en fleurs.
C'est d'ailleurs le moment d'inaugurer notre premier Konbini, ces supérettes ouvertes h24 où l'on trouve de tout, et surtout de la nourriture pour un prix défiant toute concurrence.
Je jette mon dévolu sur les incontournables onigiri, et une salade qui me tente malgré des ingrédients assez peu identifiables.
Puis nous poussons jusqu'au parc Shukkei-en, un jardin paysager construit en 1620, pendant la période Edo. 
Lui aussi a souffert du bombardement mais il est rénové et rouvre en 1951.

Et il offre juste un cadre idyllique pour qui veut se caler un petit creux à l'ombre des fleurs de sakura.

(sachets suspects que l'on peut acheter à l'entrée et qui s'avèrent être des croquettes pour carpes)

La table qui nous attend au pied d'un cerisier et au bord d'un étang où nagent les koi semble presque trop parfaite pour y croire.

 

On mange en laissant traîner l'oreille pour essayer de déchiffrer quelques conversations, on attrape des mots au vol comme on attraperait les pétales qui tombent autour de nous...
Rien, on le croirait, ne peut entacher la magie de l'instant...

Jusqu'à ce que j'ouvre la salade...

La sauce qui me paraissait sucrée et les légumes que je croyais épicés se transforment brutalement en un mélange fade et d'une gluanteur à faire pâlir tous les mollusques de la terre... Je tente bravement 2 bouchées puis je capitule.
Il faut savoir reconnaître sa défaite...
Baba-chan s'élève instantanément au degré de maître gluantissime quand elle me regarde avec pitié et engloutit la salade sans sourcillier.

Je ne suis pas prête... 

EDIT: sur la boîte, il y a écrit ネバネバサラダ soit "Neba neba Salada". Je vous laisse apprécier la signification du mot

Pour me remettre de cet échec cuisant, je plaide la visite du jardin qui déroule des sentiers autour des bassins à la japonaise. On retrouve évidement tous les incontournables de ce type de jardin: petits ponts en pierre, lanternes moussues, bambouseraie élégante, massifs touffus de pins taillés.

 

   

On regrette à peine que les azalées (satsuki) ne soient encore qu'en bouton... Leur odeur apaisante n'aurait pas manqué de rendre l'instant plus zen encore.
C'est difficile de repartir, mais l'après midi est encore jeune et on ne vient pas au Japon tous les jours... 

Un petit consultage google nous annonce un petit sanctuaire à visiter à 700m de là, et nous y partons reposés.
Vient alors l'épreuve ultime pour tout touriste au Japon qui décide de manger à plus de 100m d'un konbini:

trouver une poubelle.

On le savait déjà avant de partir mais les poubelles dans la rue n'existent pas... Et on se retrouve donc, comme tout le monde, à se promener avec notre sac de déchets à la main.
Pro-tip pour attirer les japonais(es) que vous croiserez: ayez l'air perdu avec un lonely planet à la main... Vous trouverez quelqu'un pour vous aider dans les 5 minutes <3
Même si en l'occurrence, le petit papy qui s'est arrêté à eu l'air aussi embêté que nous.
Bref, si vous cherchez une poubelle au japon, allez voir dans un konbini ou dans une gare pour éviter de vous balader avec un sac en plastique sur plusieurs kilomètres.
Sachez d'ailleurs que le nombre de camions poubelles croisés dans ce laps de temps sera proportionnel aux kilomètres parcourus et au poids du sac...
Nous arrivons finalement au sanctuaire, caché entre deux maisons. 

Pour ceux qui n'y connaissent rien, voilà un petit lien avec toutes les caractéristiques d'un sanctuaire shinto

On se balade quelques minutes puis nous abusons honteusement du JR Pass pour nous rapprocher de Hondori, le quartier commerçant d'Hiroshima, en marchant un strict minimum, eu égard à nos pieds qui ne sont plus que douleur et nos jambes qui se durcissent peu à peu...

Nous tombons en pâmoison devant un magasin de chaussettes et devons faire des efforts surhumains pour nous réfréner avant Tokyo
(On a le droit à 2 valises pour le retour... Les cadeaux vont flamber!)

On finit au starbucks, pas très traditionnel mais a l'avantage non négligeable d'avoir des toilettes et d'offrir une place au chaud pour visionner les photos de la journée autour d'un thé yuzu / citron.

Puis, l'appétit de faisant sentir, nous retournons au restaurant d'okonomiyaki fermé la veille où le chef, manifestement soulagé que je baragouine le japonais, laisse passer Jiji et Baba derrière le comptoir pour leur offrir une expérience inoubliable de retournage d'okonomiyaki pendant que la télé nous gratifie évidemment d'un match de baseball puis de jeux télévisés traditionnels.

En japonais dans le texte:

Onigiri: boule de riz fourrée de divers ingrédients

Sakura: cerisier

Koi: Carpe